Une histoire de formation, par Pauline Pons
Historienne de l’art de formation, autrice et conférencière, Pauline a débuté sa carrière au Louvre en tant que coordinatrice d’exposition. Depuis une dizaine d’années, elle s’adresse à des entreprises qui invitent leurs collaborateurs (managers / dirigeants) à s’inspirer de la création artistique pour acquérir des compétences dans le domaine de l’innovation et cultiver leur esprit d’ouverture. Sa salle de cours préférée : les musées. Elle nous raconte ici une histoire de formation qui l’a marquée.
Mon domaine d’expertise, qui repose sur l’analyse d’œuvres d’art, pourrait sembler bien éloigné des préoccupations managériales de mon public. Mais, en réalité, les managers et les dirigeants que j’accompagne sont à l’affût de tout ce qui peut les aider à prendre du recul sur leurs propres activités, en abordant d’autres modes de pensée et d’innovation que les leurs.
Vous dire que passer une journée avec eux au musée – ce que je fais couramment – serait aussitôt rentable pour leurs entreprises n’a pas de sens. Il est rare que je puisse « mesurer » les effets de la confrontation à l’art sur leurs chiffres d’affaires ! Par contre, ce qui me semble au moins aussi important à mes yeux, c’est de provoquer une prise de conscience.
En 2019, je réunissais certains d’entre eux au musée des Beaux-Arts d’Orléans devant des chefs-d’œuvre que j’avais sélectionnés. Lors d’une session de travail en sous-groupe, un dirigeant s’est épris du Velasquez qu’il avait à analyser.
Le soir même, par un heureux hasard, il se retrouvait avec la directrice des musées d’Orléans. Au cours de la conversation, elle lui apprend que cette peinture rare, exécutée par le plus grand peintre espagnol du XVIIe siècle et qu’il avait regardée si attentivement, nécessitait une restauration… coûteuse. Un chèque de 20 000 € a été signé sur le champ par ce dirigeant !
Deux ans plus tard, à l’occasion du retour au musée du Velasquez restauré, il était fier de m’inviter à sa présentation officielle en présence de la directrice du musée, de la restauratrice et de l’ambassadeur d’Espagne !
Si je raconte cet épisode, c’est parce qu’il a été bénéfique pour tous et qu’il représente une forme de symbiose idéale des interventions que je propose. En finançant le mécénat de cette œuvre, ce dirigeant a contribué au rayonnement de sa région et il a initié un lien de nature économique avec le monde des musées. Tels les Médicis à Florence, il a réactivé une des conditions premières et fondamentales des âges d’or de l’histoire de l’art : pas de rayonnement artistique sans mécénat, pas d’art sans économie !
Mais surtout, et au-delà de ces aspects pécuniaires, ce dirigeant a vécu un changement profond dans son rapport à l’art et il a enrichi son champ de compétences. En s’appuyant sur une grille de lecture que j’avais spécialement conçue pour l’évènement, il s’est surpris à trouver au plus profond de lui les capacités pour analyser une toile qui l’a émue alors qu’il ne l’aurait peut-être même pas regardée sans y être invité. Une véritable expérience « gagnant-gagnant » qui ne demande qu’à se répéter !
Images de couverture : Le « Saint-Thomas » peint par Velazquez, de retour au musée des Beaux-Arts d’Orléans – Orléans (45000)
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