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Nîmes s’illustre : le débrief

Par Clara Debailly, publié le 29 juillet 2024

La quatrième édition de Nîmes s’illustre s’est tenue du 20 juin au 7 juillet dans la belle cité du Gard. Clara Debailly ne pouvait évidemment pas louper ça ! Retour sur l’événement et ce qu’il raconte de l’illustration en France.

Les multiples visages de l’illustration

Le titre donne le ton : montrer la diversité des écritures et la variété des thématiques abordées par les illustrateurs et illustratrices contemporain.e.s. Expositions, conférences, concerts et projections ont rythmé cette quinzaine et permis de présenter les multiples facettes du métier, tant dans sa phase de recherche que dans son rapport à la commande, ou encore de mettre en exergue l’hybridation des pratiques.

Une pratique aux prises avec les enjeux de société

L’une des expositions phares de cette édition s’intitulait « Faire campagne ». En collaboration avec Les agents associés, elle proposait à 15 artistes de réaliser un visuel sur le thème de la politique et de son affichage. Une exposition de circonstances rattrapée par l’actualité ! À l’origine, l’accrochage était prévu sur les panneaux électoraux… évidemment réquisitionnés à la dernière minute pour cause de dissolution. 

C’est finalement dans 3 lieux – Le Spot, les grilles de l’École Supérieure des Beaux-Arts de Nîmes et la cour de l’Hôtel Dieu – que les affiches ont pu vivre, non loin des (biens plus ternes) affiches électorales. Pourquoi faire campagne aujourd’hui ? Les raisons ne manquent pas : égalité femme-homme, sauvegarde de l’environnement, évolutions du monde du travail… Une belle démonstration de la multiplicité des écritures et de la place de l’illustration dans l’engagement politique et sociétal.

Dans la même veine, l’exposition « Énergies désespoirs », présentait le résultat de la collaboration entre les architectes Encore Heureux et l’illustrateur et graphiste Benoît Bonnemaison-Fitte dit Bonnefrite, qui met en forme les réflexions sur le monde portées par le studio. À l’image de son titre ambivalent, la scénographie de l’exposition renvoie dos à dos 2 visions du monde : celle où les données des effets de l’Anthropocène et leurs représentations montrent un monde qui s’effondre vs celle qui présente les efforts collectifs et les initiatives qui laissent espérer un monde meilleur à venir. Bonnefrite parvient, par une alternance de slogans manuscrits et de dessins synthétiques, à représenter de façon sensible les grands enjeux qui agitent nos sociétés et à rendre toute la complexité des combats actuels.

    

Toucher à tout

L’exposition « Touche à touche », organisée à l’Hôtel Dieu, présentait le travail à quatre mains d’Alexis Jamet et Manon Cezaro. Un bon exemple de la façon dont les illustrateurs et illustratrices repoussent sans cesse les frontières entre les domaines de l’art, de l’artisanat et de l’illustration. La variété des techniques et des supports employés par le duo, aussi bien dans les travaux de commande que dans les recherches formelles, démontre que les définitions classiques de la profession ne suffisent plus à contenir toute l’inventivité qu’elle recèle. Les questions du volume et de l’espace sont intégrées et il devient dès lors inimaginable d’enfermer l’illustration à une pratique qui consisterait « juste » à dessiner sur une surface plane.

   

Le marché de l’illustration, organisé le 22 juin, confirme ce constat : la mise en avant du travail de 20 illustrateurs et éditeurs indépendants permettait d’admirer la diversité des techniques, des formats et des sujets. On peut citer les illustrations oniriques de Géraldine Polès, les impressions colorées du Marseille Riso Club, les objets éditoriaux féministes de Momme éditions ou encore les sérigraphies déjantées de Madeleine Sérigraphie. Le même week-end, il était proposé aux invités de se rendre dans les salles obscures pour (re)découvrir la richesse du cinéma d’animation dessiné. Parmi les courts-métrages à l’affiche, difficile de passer à côté d’« Été 96 » de Mathilde Bedouet, primé aux Césars 2024, entièrement réalisé en rotoscopie.

Le goût du risque

L’exposition des planches de l’autrice et illustratrice suédoise Emelie Östergren, qui publie « Faune et flore » aux éditions The Hoochie Coochie, fut l’occasion d’une conférence avec l’éditeur qui présentait également la sortie du premier album de Margot Soulat intitulé Une bonne rentrée. Un bon moyen pour la maison d’édition de réaffirmer son engagement depuis 20 ans pour les écritures singulières et sa volonté de révéler des nouveaux talents tout en restant fidèle aux plus anciens auteurs de son catalogue. Figure iconique de l’édition alternative, The Hoochie Coochie fait partie des maisons qui, malgré les difficultés financières du secteur, maintiennent un cap exigeant et portent les nouvelles voix de l’illustration française et étrangère.

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Enfin, la rencontre avec l’illustratrice Cruschiform, qui présentait son « Odyssée des graines » – à paraître en octobre aux éditions Gallimard Jeunesse – est un exemple vivifiant de la façon dont de nombreux auteurs et autrices réfléchissent à leur pratique et à la manière dont ils peuvent faire de chaque album un prétexte pour inventer de nouvelles écritures graphiques. Car, bien que le dessin de Marie-Laure Cruschi soit singulier et désormais reconnaissable, l’illustratrice ne se prive jamais, à l’instar de ses précédents albums Colorama ou À toute vitesse, d’une prise de risques formelle à chaque nouveau projet. Dans ce dernier album, le travail sur la lumière et les jeux de transparence parvient, par l’approche sensible et plastique de l’artiste, à presque faire oublier l’outil numérique !

   

L’autrice :

Formée au design graphique à l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs de Paris, Clara Debailly travaille l’image, le texte… et souvent la relation entre les deux. Aborder les sujets sociétaux par le prisme de la communication visuelle et des représentations lui semble être la façon la plus intéressante d’explorer de nouveaux territoires, et de les faire découvrir. 

Crédits :
Faire Campagne 2 © Arthotèque Sud Nîmes
Faire Campagne 1 © Office de tourisme de Nîmes
Energies Désespoirs 1 © Office de tourisme de Nîmes
Energies Désespoirs 2 © Artothèque Sud Nîmes
Alexis Jamet et Manon Cezaro 1 © DR
Alexis Jamet et Manon Cezaro 2 © DR
Alexis Jamet et Manon Cezaro 3 © DR
Marché de l’illustation © Arthotèque Sud Nîmes
Faune Et Flore d’Emelie Ostergren © The Hoochie Coochie
Image extraite de « Flore et Faune » par Emelie Ostergren © Marie-Laure Cruschi
Image extraite de « L’odyssée des graines » par Cruschiform © Marie-Laure Cruschi
Colorama – Cruschiform © Marie-Laure Cruschi
 
 
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