Une histoire de formation, par Guillaume Lamarre

Il y a chez le formateur quelque chose de l’anthropologue. À chaque mission, il s’agit, pour lui, de découvrir une entreprise comme on découvrirait une nouvelle tribu, une nouvelle langue, une nouvelle culture. Mais chez le formateur, il y a également une part de frustration. Car, la mission ne durant que quelques heures, nous ne sommes souvent que de passage. Notre condition est, par nature, volage, passant d’une tribu à l’autre, à l’instar des aèdes qui parcouraient la Grèce antique, rapportant, entre autres récits, tout ce qu’ils avaient observé ailleurs.

L’expérience dont je vais vous parler est justement différente. Un groupe de presse désireux de se réinventer se trouvait en plein processus de diversification et de réorganisation de ses activités. L’une d’entre elles nécessitant la mise en place d’un studio de création, les managers ont décidé de sélectionner les candidats au sein des équipes internes de maquettistes.

Quel rapport avec la formation, me direz-vous ? Justement. Face aux enjeux managériaux de cette réorganisation et, surtout, face à la nécessité de mettre en place une équipe pérenne, partageant une vision commune et efficiente rapidement, le groupe de presse en question a écarté l’idée de recruter ses candidats d’une façon traditionnelle.

Nous avons élaboré avec eux une mise en situation grandeur nature sous la forme d’un workshop. Durant cet atelier, les candidats devaient d’abord travailler individuellement sur la création d’une identité graphique. J’ai ensuite accompagné les managers dans leur évaluation : quels seraient les collaborateurs les plus à même d’interpréter un brief ? De proposer une création en adéquation avec le besoin exprimé ? De retravailler leur proposition en fonction des feedbacks ? Il s’agissait aussi d’une occasion unique pour transmettre aux impétrants les fondamentaux du processus créatif ; de leur permettre de comprendre l’état d’esprit à adopter au sein d’une équipe et face aux demandes du client : une véritable pierre fondatrice dans la construction de ce nouveau studio.

Ce workshop a été un succès qui a permis de révéler des talents que les managers ne soupçonnaient pas et nous avons posé les bases d’une culture commune. Pour moi, ce fût l’occasion de créer une relation au long cours avec ce client. En effet, je reviens régulièrement dans leurs locaux pour partager mes connaissances sur le storytelling ou le management de la création tout en continuant à les accompagner dans ce processus de construction qui, d’une certaine manière, ne s’achèvera jamais.

Le formateur possède forcément une part nomade, aussi lorsque l’occasion nous est donnée de construire une relation profonde, respectueuse et féconde avec nos clients, il s’agit de la saisir et c’est bien souvent là que nous apprenons autant que nous leur transmettons. Et si recruter était finalement le moment idéal pour former ?

Photo de couverture : © Comte Mylene