Interview

Les tendances du graphisme par Caroline Bouige

Par Loïc Marteau, publié le 10 octobre 2022
Mis à jour le 24 mars 2023, à 15h10
Rédactrice en chef du magazine étapes:, Caroline nous partage sa vision sur les tendances et les acteurs du graphisme.
Caroline, peux-tu nous rappeler ce qu’est étapes: ?

C’est un média indépendant qui traite du design graphique. Historiquement mensuel, c’est aujourd’hui un bimestriel de 180 pages qui s’ouvre à de nombreuses disciplines : la 3D, le design immersif, le digital, la scénographie… champs que nous relions à travers le prisme du design graphique. Via les réseaux sociaux, nous fédérons aujourd’hui une des plus importantes communautés de créatifs en France. Notre lectorat est constitué de graphistes bien sûr mais aussi de designers, d’architectes, de communicants et d’étudiants.

Quelles sont les tendances que tu observes ?

C’est très compliqué de répondre simplement à cette question. J’ai animé récemment une conférence sur ce sujet et j’ai pris le parti de distinguer les tendances de fond et les tendances que j’appelle superficielles ou éphémères.
Parmi les tendances superficielles, on peut parler des inktrap, des polices monochasse ou encore du style Art nouveau qui est partout. Concernant les tendances de fond, il est difficile d’ignorer la vague de l’illustration qui, longtemps cantonnée au monde de l’enfance ou de la jeunesse, est aujourd’hui omniprésente.
Je suis également avec beaucoup d’attention toutes les possibilités offertes par le design immersif car il permet de vivre des expériences globales, de faire appel à tous nos sens. Que ce soit dans le retail, l’événementiel ou encore dans le monde médical, je crois que le design immersif va profondément modifier la façon de penser, et de faire, des designers. Enfin, il est impossible de ne pas évoquer les préoccupations liées à l’écologie.

Sur ce sujet de l’écologie, comment les designers peuvent-ils se positionner ?

Déjà, ils n’ont pas le choix ! Ils doivent s’emparer du sujet. Pour les créatifs qui font du print, ils s’inscrivent dans une chaîne où tous les acteurs, du papetier à l’imprimeur, doivent respecter, et c’est heureux, des normes européennes toujours plus exigeantes. C’est en même temps très paradoxal car, si nous prenons l’exemple d’un produit imprimé, la qualité du graphisme sert le support ou le produit et il va donc sûrement entraîner de la réimpression. C’est pareil dans le digital car plus un site va être consulté et plus les ressources serveur vont être sollicitées et c’est donc l’empreinte carbone qui s’accroît.

On lit et on entend que l’on ne doit plus dire créatif mais créateur ! Partages-tu cette assertion ?

Lorsque je suis arrivée chez étapes:, mon rédacteur en chef, Étienne Hervy, répétait toujours « on ne dit pas créatif, on dit graphiste ou designer ! ». En fait, tout le monde peut être créatif ou créateur dans son travail. De nombreux artisans sont, par exemple, créatifs et créateurs… Pour moi le créatif est une personne qui a un potentiel créatif. Un créateur c’est quelqu’un qui crée. Je dirai donc ni l’un ni l’autre. C’est un langage qui est finalement plus utilisé en agence parce qu’il faut de la « création ».

Quand on apporte une vision par un autre prisme […] ça peut être déstabilisant.
Pour rester sur le sujet des agences, la relation avec les annonceurs est parfois compliquée. Sans te demander une recette miracle, as-tu identifié des habitudes qui permettent d’entretenir une relation saine et durable ?

Je pense que malheureusement on ne peut pas y faire grand-chose car ça se joue beaucoup sur l’humain. L’écoute, le respect, l’honnêteté, la clarté de propos sont essentiels. En plus de l’expérience, savoir rebondir et chercher des solutions ailleurs, ne jamais laisser tomber le client sont des choses qui s’apprennent et qui font la différence. Ces compétences sont nécessaires dans le fonctionnement d’un studio de design graphique et elles ne sont malheureusement pas souvent enseignées dans les écoles d’art. Dans les studios de taille intermédiaire, on rencontre d’ailleurs de plus en plus de « studio managers » qui accompagnent les clients. Ce qui permet aux graphistes de se concentrer sur le travail de création.
En parallèle, chez les clients, les personnes en charge de la commande graphique ont des profils très com / marketing et se pose donc la question de leur légitimité à challenger le travail des graphistes. Quand on apporte une vision par un autre prisme, comme le design graphique avec des signes, des symboles et des signifiances, ça peut être déstabilisant. La solution passe toujours par la pédagogie et un nécessaire intérêt mutuel. Si le territoire de mon client ne m’intéresse pas, il est assez évident que les propositions ne seront pas à la hauteur des attentes. C’est l’éternelle question du luxe de choisir ses clients… évidemment impossible pour beaucoup.

Enfin, quels conseils donnerais-tu aux professionnels du design graphique qui s’interrogent sur l’évolution de leurs pratiques ?

Vaste sujet car ça dépend déjà d’où ils en sont… Ceux qui sont bien dans ce qu’ils font et qui s’éclatent, il faut juste continuer ! Après, je pense qu’un graphiste, même s’il évolue dans un milieu idéal, se lasse après 10 ou 15 ans. Il ne doit pas hésiter à aller chercher d’autres techniques, d’autres typologies de clients, d’autres savoirs et parfois même sortir du design graphique pour se ressourcer. Graphiste c’est un métier assez extraordinaire où on a une vision de la société, une compréhension particulière du monde extérieur. Si j’avais un seul conseil à donner, ce serait de continuer à s’émerveiller de chaque chose que l’on voit. Comme il y a des gens qui continuent à s’émerveiller des mots, je pense que les graphistes doivent faire de même vis-à-vis de l’image ou du signe sous toutes ses formes.

 

Retrouvez l’intégralité de l’interview sur notre chaîne YouTube :

Envie de creuser certains sujets ou de faire intervenir Caroline lors d’un événement que vous organisez en interne ? N’hésitez pas à nous contacter !

Pour rappel, étapes: est la revue de référence pour suivre les tendances du design graphique et de la culture visuelle.

étapes: en chiffres

  • Date de création : 1994
  • 269 numéros
  • 150K abonnés sur Facebook
  • 100K abonnés sur Instagram
Partager :
Image

Découvrez Swash #2, notre nouveau magazine !

Retours d'expérience, interviews et nouvelles formations à découvrir : 40 pages pour explorer notre univers.

La newsletter de Swash

Tous les mois nous envoyons une sélection d'articles, nos inspirations et nos envies de sortie. Si vous souhaitez être tenu au courant de notre actualité, il suffit de vous inscrire juste ici !