Helena Ichbiah • Formation IA : retour d’expérience

Helena, peux-tu présenter Ich&Kar ?

Nous sommes un studio de création de design graphique et de design. Les formes, l’image et le texte  sont nos outils. J’aime à dire que nous sommes des graphistes littéraires, car je me sens profondément attaché à la langue, à la culture, aux mots, aux jeux de mots. Notre production est multiple et éclectique. Nous explorons différents territoires : du branding au packaging, de l’édition à l’illustration, du design à l’architecture d’intérieur et la scénographie.

Tu as suivi récemment avec 2 autres personnes du studio une formation sur les algorithmes d’IA chez Swash. Que cherchais-tu dans cette formation ?

Cela fait maintenant plus de trente ans que j’ai quitté l’école, et je trouve vraiment intéressant de rester connectée à la nouveauté. Je suis toujours curieuse et j’avoue que le sujet de l’IA était assez déroutant. Je voyais passer des choses et c’est frustrant de ne pas bien comprendre. Je n’aime pas être dans le flou, au milieu de discours alarmistes ou, a contrario, ultra enthousiastes. Pour moi, consacrer une journée pour faire une sorte de reconnaissance en la matière était vraiment parfait. J’avoue que l’on n’utilise pas encore tout ce qu’on a appris mais on sait que c’est là et on peut, à l’occasion, convoquer ces solutions. Pour l’instant, ce n’est pas un outil de précision, c’est un outil d’imagination en plus.

Tu as un exemple de votre utilisation de l’IA ?

Récemment, on avait une photo qui n’avait pas assez de fond perdu. On l’a généré grâce à l’IA et, comme ce n’était pas assez propre, on l’a retouché ensuite mais ça nous a quand même fait gagner 2 ou 3 heures. Avec Jean-Charles et Rebecca, qui ont suivi la formation avec moi, on est d’accord pour dire que ça nous a ouvert les yeux sur plein de possibilités.

Quelle est ta position sur le fait que ces solutions fragiliseraient l’emploi des graphistes ?

Je pense que c’est seulement un outil et que plus tu es créatif, plus cet outil sera puissant. Je n’ai pas peur que la machine soit plus créative que moi. Il faut vraiment le voir comme un outil qui peut faire avancer. À un moment, soit on prend le train soit on ne le prend pas. Ce n’est sûrement pas moi qui vais me coller à ça mais j’imagine très bien que, de la même manière que je vais aller chercher un typographe, un motion designer ou un illustrateur,  je pourrai demain recruter un « IA designer ».

Tu as vécu l’arrivée de la PAO puis le multimédia, le web… As-tu l’impression que l’IA, c’est encore une révolution plus importante ?

C’est exactement la même chose. C’est toujours super sympa les collages, j’adore les photos argentiques mais je pense aussi que je fais partie d’une génération qui ne sera pas encore remplacée par la machine. Je le vois vraiment comme un outil qui accélère nos pratiques. Quand j’ai fait la formation, je me suis posé cette question : est-ce que les clients vont pouvoir faire des images ? Mais un prompt, ce n’est pas un brief, c’est une vision du brief.

À ce sujet, tes clients sont ouverts à ces nouveaux outils ? 

Ce n’est pas encore un sujet que l’on aborde ! Que l’on utilise Photoshop, After Effects ou Midjourney, c’est ma cuisine ; ce n’est pas cela qu’on vient chercher chez nous. Un intérêt évident que je perçois toutefois pour eux, c’est la facililté avec laquelle ils peuvent, avec ces outils, produire en masse des visuels fixes ou animés pour leurs réseaux sociaux. La grosse question qui reste à régler, et elle est majeure, c’est celle des droits.

Photo : Fernando Etulain
Interview réalisée en juillet 2023